La conception du pouvoir en Guinée et en Afrique– 4ème partie : L’habitude de la pratique

Publié le par O. Tity Faye

Par Oumou Tata Fofana

« Tu vois bien que je peux être avec toi de tout mon esprit », dit mon Kèba. J’avais voulu l’embrasser pour sa brillante interprétation de mon opinion sur la question du vote, un pan de la Démocratie que l’on considère comme l’expression de l’ensemble des principes de la démocratie en Afrique. Mais sa fanfaronnade m’a stoppé. Il pourrait se prendre pour n’importe quoi et le clamer par vaux et vallons. Par les temps qui courent, ce serait risqué.

L’armée de Dadis « patrouille» les esprits par la violence et les prises de position par la vindicte. Sous les dehors de l’insécurité, une terreur désordonnée s’impose de plus en plus. Yarie, dans sa prise de conscience du danger du pouvoir militaire, qu’elle appelle « ma cure de récupération » examine à la loupe certains aspects avec rigueur.

« Tu sais, Oumou, me révélait-elle, je me rends compte que l’insécurité dont on se plaint en Guinée est un montage politique de la pire espèce. Oui, oui. Poursuit-elle, face à mon regard interrogateur. Ce ne sont pas de simples bandits. Il s’agit de militaires dont la tâche principale est de donner cette impression d’insécurité en attaquant les maisons, les concessions et les individus. C’est pourquoi, ils sont toujours bien armés et bien équipés. On ne les arrête jamais. »

Elle marquait là un bon point. D’une part, des bandits survivraient, difficilement, sous un régime militaire qui prend ses responsabilités. D’autre part, la politique de la terreur génère, forcément et toujours, des éléments incontrôlables. Mon amie ne voyait qu’un pan de la vérité mais l’autre se révélait à moi. En fait, notre pays est victime des effets pervers de la politique de la terreur. Le procès des gangs par exemple!

Nous arrivions au marché de Madina, à pieds. Pour éviter d’être prise dans  les manœuvres difficiles, j’avais garé la voiture à plus de 500 mètres. Contre quelques billets de banque, de jeunes gens au chômage, en assuraient la garde en déléguant les plus jeunes au transport de nos paniers de ménagères. Je fis donc stopper Yarie, alors que nos jeunes porteurs suivaient derrière.

« Tu ne veux pas insinuer que le procès des gangs,  par exemple, ait été une mascarade pour l’élimination de jeunes gens que le régime avait utilisé à ses fins, abandonné et ensuite condamné? » Le regard de Yarie exprimait aussi bien la stupéfaction que la pitié. « Du show Oumou. Je me réveille Oumou. C’était du show télévisé. Le même show que Dadis nous a servi, récemment, en piètres répétitions. Des gens ont applaudi. Comment de jeunes guinéens ont-ils appris le maniement de fusils de guerre sans participation militaires? L’on a vite étouffé cet aspect pour nourrir la population de dépositions amusantes d’attaques de boulangerie et de tirs de coups de feu en pleine journée.

Elle s’arrêta, secoua la tête, attendant ma réaction. Après un coup d’œil de coté sur mon visage attentif, Yarie continua. Prenant au sérieux mon éducation sur la question!

«Une réaction militaire, ou même policière, aurait pu y mettre un terme. Y en a-t-il eu, à temps? Où est le maitre d’œuvre qui a mené les opérations de ratissage de ces gangs? Mort dans des circonstances mystérieuses à une de nos frontières? Y a t-il eu une suite au  procès des gangs garantissant la sécurité? L’insécurité s’est empirée avec des innovations dans les attaques organisées. Maintenant, en plus de la drogue, nous avons les enlèvements avec demande de rançon et le viol. Un cataclysme infernal».

Bien que nous la vivions ensemble, cette insécurité, entendre la description faite, par une autre personne, montre une perspective plus effrayante. En voyant le tremblement de mes lèvres, mon amie voulut me rassurer.

« Il faut espérer que le médiateur de la Cedeao réussisse à convaincre notre armée de rentrer au camp pour ranger les fusils. » La conclusion de Yarie me fit oublier la peur panique qui m’avait saisi tantôt.

Quand j’ai hurlé mon « Quoi ?», elle a sursauté et a fait trois pas en arrière. L’index menaçant, j’articulais entre mes dents, la rage au cœur. « J’ignore de quoi il s’agit Yarie. La médiation du président Blaise Compaoré? Soyons sérieux. Celui qui s’est installé au pouvoir par la force peut il dire à ceux qui l’imitent, qu’ils ont tort et qu’ils méritent punition? Combien de coups d’État ont-il été châtiés en Afrique pour faire la leçon, décourager les tentatives, faire en sorte que les populations africaines, elles-mêmes, ne les acceptent pas

Le passage d’un groupe de militaires mit fin à notre conversation. Leurs regards lubriques à la fois féroces nous amenèrent à forcer l’allure pour nous fondre dans la foule bigarrée du marché. Maintenant qu’on sait qu’ils violent en plein stade, le viol au marché leur paraitrait l’ultime discrétion. 

Publié dans Rumeurs politiciennes

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