La conception du pouvoir en Guinée et en Afrique–3ème partie : La croyance

Publié le par Oumou Tata Fofana.

Je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche pour demander à mon amie, comment elle avait eu la futilité d’appartenir aux mouvements en faveur de Dadis et du Conseil national pour la démocratie et le développement - Cndd? Elle n’avait pas besoin d’argent à l’image des jeunes chômeurs recrutés à cet effet. Avant sa réponse, mon grand homme d’époux s’était manifesté. «Qui t’a appris une telle expression: « plaidoyer?» Est-ce que tu ne penses pas à «plaidoirie» en temps que discours en faveur d’une cause? ». Les yeux de Yarie flamboyèrent de colère contenue. «Je suis enseignante, Ansou. C’est ta femme qui est ingénieur et se morfond avec les chiffres. » Qu’est-ce que je viens voir là dedans? Me suis-je dis.

Mon amie ne se calmait pas. « Je vis de mots et travaille avec les mots pour enseigner. Poursuit-elle avec véhémence. Je dis bien «plaidoyer» en tant que discours de soutien aux populations et qui implique que l’on se rachète par rapport à une situation, une faute directe ou indirecte, une injustice. Bien que les deux expressions soient synonymes, la «plaidoirie» me semble pleurnicharde, moins engagée, et souvent au service du bon parleur, au tribunal.»

Ansou ne se démonta pas pour autant. «Ouhoun ! Juste un petit test pour savoir que vous utilisez les mots qu’il faut. Parce que la discussion qui va commencer risque de mettre ma maison en danger. C’est certain. » Répondit-il, en allant fermer les fenêtres et en s’assurant que nul n’écoute à la porte.

Radoucie, Yarie revint vers moi. J’avais envie de leur dire– à tous les deux-combien ils me les brisent menus avec leurs permanentes disputes. Mais enfin, je dois calmer le jeu. De grands adolescents qui prennent du temps à atteindre leur maturité. Voilà comment définir mon mari et mon amie.

«Yarie, ma chère Yarie, comment as-tu fait pour aller te compromettre dans ce genre de comité de soutien à Dadis ? Tu n’as pas vu que ce sont des remakes du Mouvement de soutien à Lansana Conté-Mosalac-et de son bureau de stratégie le Comité de soutien à Lansana Conté-Cosalac? Ne les vois-tu pas apporter leur soutien à ces horreurs en se camouflant? Les uns derrière et les autres sous le faux buisson des mots? Encore une fois, ta naïveté me sidère. Et c’est peu dire à propos ».

Nous observâmes un silence. «Mon amie, repris-je, Telle est la conception du pouvoir dans nos pays d’Afrique. On croit au caractère divin de celui qui, par les armes ou des moyens illégaux et illégitimes, accède au pouvoir. Pire, cette croyance se renforce quand le conquérant réussit, à moindre frais. Telles que les prises de pouvoir sur les dépouilles mortelles alors qu’on se prépare à enterrer le précédent «conducteur»! Ou bien quand celui qui prend le pouvoir n’a vraiment pas l’étoffe et la carrure nécessaires pour diriger mais clame la «prise de pouvoir sans effusion de sang» avec des attitudes paternalistes. Alors là, la masse se dit que si ce n’est pas divin, alors c’est sorcier».

Je m’arrêtai en prévision d’une contre-attaque. Mon amie me regardait avec l’air d’une étudiante qui découvre les révélations sur des fossiles par le carbone 14. Je poursuivis, donc, rassurée. «Dans tous les cas la croyance, en soi-même flirte avec le mythe, et agit comme une drogue qui annihile les réactions. Réfléchis. Un peuple entier, après une dictature d’un quart de siècle, accepte de subir vingt-quatre (24) autres années de régime militaire dans la misère. Comment ce même peuple peut-il applaudir, à l’aveuglette, un autre régime militaire pour vivre d’autres années de misère? Ce n’est pas de la stupidité. Huit millions d’êtres humains ne peuvent pas être, tous stupides, et s’aveugler à ce point.

Yarie m’interrompit, railleuse au brin mais attentive, pour proposer: «une hypnose collective?» Elle ne savait pas combien elle était proche de la vérité. «Il n’y a qu’une seule explication -repartie-je- l’impact psychologique et psychosomatique de la croyance, YarieCelle qu’on ne questionne pas sachant qu’il n’ya pas de réponses à attendre que celle de croire»

Elle réagit par l’attaque. « Voudrais-tu insinuer que l’on s’en tient à la conclusion avec la formule «c’est Dieu qui l’a voulu» ou que l’on croit à une force mystique derrière la prise de pouvoir dans nos pays africains? ». J’inclinai de la tête en guise de réponse. La simplicité de sa réplique m’a désarmé, un moment. « Mais, cette fois, c’est parce qu’ils ont des armes et qu’ils ont fait de fausses promesses que les gens ont accepté, malgré eux. Des gens comme moi. Faute de mieux ».  

« Non! atténuai-je, après quelques secondes de ressaisissement. En avril 1984 aussi, ils avaient les mêmes armes et on fait des promesses similaires à celles faites le 23 décembre 2008. Ce n’était pas nouveau mais on l’a trouvé nouveau. Le Cndd autant que le Cmrn est passé de la promesse de rendre le pouvoir aux civils  à celui d’y rester pour un «Redressement» qui fut un effondrement ».

Elle ouvrit sa bouche, en se le remémorant, mais aucun son n’en sortit. « Au fond Yarie, c’est parce que nos populations ne sont pas éduquées pour comprendre qu’il y a des règles instituées pour accéder au pouvoir. Elles ne sont pas éduquées à comprendre qu’il leur revient de droit de choisir qui doit être à la tête du pays. Elles ne savent pas non plus ce qui doit être fait pour que quelqu’un mérite de diriger un village ou un pays entier. Pour elles, les gens naissent avec le destin d’être chef ou celui de faire partie de ceux qui doivent d’obéir. »

Yarie devint factuelle. «De quoi parles-tu? Ces populations votent et choisissent ainsi qui, elles souhaitent avoir pour chef. Tu commences à m’exaspérer. Tu parles comme si tu soutenais les théories du «profil psychologique du noir» qui le limitent à certaines compréhensions alors qu’il n’a pas accès à d’autres. C’est terrible ça Oumou, la manière dont tu vois et exprimes les choses

L’intervention de ma seconde moitié me terrifia avant qu’il ne développe, lorsqu’il dit : « Ce n’est pas si terrible qu’on le croit. ». Je m’attendais au pire. Ce fut le meilleur comme aux beaux vieux débuts de notre idylle quand il soutenait tout ce que je disais ou ne disais même pas. À présent, cette attitude est des plus rares. Revigorant. Je m’en suis réjouie. « Nos populations – dit-il-votent, parce qu’on le leur demande comme un devoir mais pas comme un droit. Comme devoir, elles accomplissent le vote sans se poser de questions en l’assimilant à un accompagnement de la volonté divine ou du destin. J’appelle ça le « complexe de l’autorité ». Souvent, on entend des commentaires tels que: «On nous fait voter mais seul Dieu décide de qui va être le chef». Ou bien parlant de leur propre candidat, ils disent «Si ce n’est pas son destin, il ne sera pas chef même si on vote. Tout ceci est inutilement fatigant.»

J’étais confuse d’entendre Ansou parler ainsi. Lui, ne s’arrêtait pas. «C’est pourquoi, dès après le vote, la majorité de ceux qui ont voté contre le gagnant se rallie au nouveau pouvoir en place comme pour se faire pardonner d’être allée contre la volonté divine ou le destin. Pour cela, les gens n’attendent pas les mots d’ordre de leur parti politique. On revient au choix divin direct ou indirect du Destin qui s’accomplit. Si, les populations comprenaient qu’il s’agit d’un droit acquis,  alors cela changerait leurs croyances avec l’apprentissage de nouveaux paramètres de choix pour l’exercice du voteCe qu’il fallait démontrer. » Conclut-il avec emphase. Pas si bête mon grognon de mari. Je me demandais tout de même comment il a réussi à dire tout ceci de la belle manière. Il se dévoila. «La logique selon Oumou Tata. Persiffla mon Kèba. Tu te souviens, l’année dernière, c’était ta théorie sur le «mal des partis politiques en Afrique». Maintenant, je te crois». 

En effet, je soutenais et soutiens encore, que les partis politiques n’éduquent pas les populations aux principes démocratiques. D’où leur faiblesse due à l’absence de soutien populaire effectif. Et vice-versa. À suivre.

 

 

 

Publié dans Rumeurs politiciennes

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