CRISE EN GUINÉE : L’Afrique va-t-elle, enfin, punir la violence politique?

Publié le par O. Tity Faye

L’Afrique doit, désormais, punir les coups d’État, les rebellions armées, pour protéger les populations et permettre le développement des institutions nationales en faveur des droits et des devoirs. Le cas guinéen est une occasion de le faire. Parallèlement, il faudrait que les chefs d’État africains, au pouvoir par ces moyens, répondent par « une fin de non recevoir » à leurs interprètes.

La rencontre prévue, en Novembre 2009, à Ouagadougou, dans la capitale Burkinabè, pour les débuts de résolution de la crise guinéenne risque d’être une déception pour les leadeurs politiques. Il sera difficile au médiateur de la Cedeao, Le président Blaise Compaoré, de demander aux militaires guinéens de quitter la scène politique. À moins qu’il ne mette en avant que vingt ans après, la donne a changé en Afrique aussi.

Sinon, il faut s’attendre, de la part du médiateur de la Cedeao soutenu par l’Union Africaine-UA- à une solution de partage du pouvoir entre les partis politiques guinéens, la société civile d’une part, le Conseil national pour la démocratie et le développement - Cndd et le capitaine Dadis, d’autre part. Pour équilibrer, faire libérer des prisons la fraction de l’armée, forcée au silence par le Cndd. Ou alors, le partage serait clinquant.

Ce serait un tort de passer sous silence le nécessaire et rapide désarmement de l’armée. Cela aussi Dadis et le Cndd auraient pu le faire-dès après le 28 septembre 2009- et sauver en partie la face et des meubles à la place d’une politique de terreur et d’intimidation en cours. À présent, c’est encore la moindre des concessions de la part de Dadis et du Cndd, à Ouagadougou. Sinon, la sortie de crise serait éphémère.

Le retour en caserne est, aussi, le meilleur moyen de distinguer «les éléments incontrôlés de l’armée» dont Dadis fait mention à toute occasion. À moins que l’argument serve, seulement, à se protéger, lui-même, au sein de l’armée. Dans ce cas, la seule réalité du pouvoir qu’il affiche, avec le Cndd, concerne les populations guinéennes, désarmées.

En considérant qu’il n’a pas dressé l’armée burkinabé contre son propre peuple, Blaise Compaoré doit demander aux militaires guinéens d’assurer au prime abord la sécurité des populations guinéennes. Rien n’autorise le panache armée dont ils font montrent parmi les populations civiles. Autrement, pourquoi pas une force africaine ou internationale d’interposition?

Mais enfin, on brode pour éviter une catastrophe irrémédiable en Guinée. Il y a plus en jeu, pour l’avenir politique de l’Afrique. Pour une fois dans son histoire l’Afrique va-t-elle punir un délit de prise de pouvoir par les armes ou perpétrer ses exemples malheureux?

Dadis a raté son entrée et sa sortie en position d’honneur. Il s’est montré incapable de respecter un peuple pour le diriger. Le Cndd s’est trompé de période. Il ya plus de vingt ans que le Comité militaire de redressement –Cmrn- a réussi son coup de bluff. C’est du «il était une fois…». Blaise Compaoré en collant à son propre parcours militaro-politique risque de rater sa sortie sur le podium de l’histoire africaine. Il y a plus de vingt que lui aussi a réussi ce parcours. S’il y a une raison de s’emparer du pouvoir par tous les moyens, il  doit y avoir un objectif historiquement glorieux à atteindre. Sinon, pourquoi? Le président du Burkina Faso peut contribuer à une plus grande démocratisation de l’Afrique en disant «non» à la violence politique.

L’Union africaine et la Cedeao sont à un tournant décisif, elles aussi. Ces deux organisations africaines ont acquis avec le cas guinéen, la possibilité de changer le cours de l’histoire africaine. Il leur suffit de donner un exemple de protection des populations africaines contre la dictature armée et d’en faire une règle sacrosainte qui consolide la Démocratie en Afrique.

Actuellement, ce ne sont pas des ethnies qui s’affrontent en Guinée pour une suprématie comme au Burundi, au Rwanda ou pour le partage des richesses du pays comme au Congo, en Cote d’Ivoire. Il ne s’agit pas de factions islamistes en quête de pouvoir politique comme en Algérie ou au soudan.

En Guinée, ce n’est pas non plus un groupe de militaires qui a comploté, avec des partis politiques, pour réussir à abattre une dictature ou un régime totalitaire. Il s’agit bien d’un groupe de militaires qui s’est emparé du pouvoir en utilisant contre leurs populations des armes auxquels ils sont les seuls à avoir, accès selon les lois républicaines. Elles devraient servir à protéger le pays.

De quel droit, de quelle légitimité sont-ils porteurs? Leur trouver des circonstances atténuantes pour calmer le jeu est une chose. C’est, également, le choix délibéré d’affaiblir les institutions nationales en Afrique, pour des décennies encore. Dans la mesure où le message ne pourra pas effacer de son contenu global que l’utilisation des armes pour accéder à la direction d’un pays africain autorise à y accéder d’une façon ou d’une autre. Le retard économique de l’Afrique sera, toujours, le prix à payer.

Rappel : l’étude synthèse de Bah, Thierno Mouctar, fait ressortir «qu’entre 1960 et 1982, on décompte, dans 45 pays de l’Afrique sub-saharienne, 52 coups d’État réussis, 56 tentatives de coups d’État et 102 complots, à caractère politico-militaire ». L’auteur souligne qu’«à la fin de 1987, on dénombre 60 coups d’État, 30 sur les 52 États africains indépendants ayant été victimes d’au moins un, sinon deux coups d’État». (L’Armée, l’État et la problématique du développement en Afrique : Bilan critique 1963 – 2005», publiée par Codesria. L’utilisation de la force pour prendre le pouvoir est récurrente, quand il n’existe pas de moyens légaux et légitimes de le faire ou que l’on veut les contourner. Il y a des institutions et des structures à respecter et à faire respecter afin qu’elles se développent et répondent aux besoin particuliers de l’Afrique. Que cela soit écrit et accompli.

O. Tity Faye. Journaliste indépendant.

 

Publié dans Politique

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M
<br /> Mr Tity Faye,<br /> C'est un réel plaisir pour moide vous lire de nouveau.J'ai été un fidèle lecteur lorsque vous étiez rédac'chef à l'indépendant et l'indépendant plus de Aboubacar Sylla.Il ya beeaucoup de choses que<br /> vous avez prédit à l'époque qui s'est réalisé malheureusement pour la Guinée...Pour ma part, l'armée guinéenne a ruiné le pays.Il faut changer toute la tête et éduquer les soldats pour qu'ils<br /> considèrent la population comme des êtres humains et pas comme des sous hommes.<br /> <br /> <br />
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O
<br /> Merci. Monsieur Souaré, Vos commentaires me renforcent dans ma conviction que si nous devons dire plus "jamais ça!" l'occasion est offerte de fraiche date avec une barbarie sans nom. Joignons-nous<br /> pour dire "NON"<br /> <br /> <br />