L’INTERNET « POPULAIRE » ET LA DÉMOCRATIE EN AFRIQUE – (2ème partie.)

Publié le par O. Tity Faye

MEDIA-DOCUMENT -

L'utilisation des ressources de l'internet pour élaborer et diffuser des messages audiovisuels dans les langues africaines permettrait aux populations africaines l'accès à une meilleure pratique, par une meilleure compréhension, des principes et idéaux de la Démocratie. Elles accèderont, également, à une meilleure compréhension civique de leurs droits et devoirs envers la nation et l'État. C'est cette compétition qu'il faut gagner en Afrique. Les outils sont là.

Partie 2 - L'INTERNET AU SECOUR DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION

Les technologies « lourdes » de l'information et de la communication dépendent en général des capacités d'investissement. Cela explique que pendant longtemps, les grands médias - radio, télévision, presse écrite et affichage dont la publicité-vidéo – aient été l'apanage des gouvernements en Afrique. Parmi le faible pourcentage d'investisseurs privés potentiels sur le continent, peu se hasardait à investir dans ces médias. D'abord à cause du monopole de l'État.

Il en fut ainsi dans plusieurs pays industrialisés comme la France jusque dans les années 80. Ensuite, les couts d'investissement par rapport à la difficulté d'accès aux sources de rentabilité que sont la redevance et la publicité d'abord. Ensuite, le processus de diversification qui permet de soutenir ces médias par des apports extérieurs. Enfin la mainmise politique de l'État sur le secteur de l'information.

Avec le contrôle des marchés publicitaires, seuls les gouvernements avaient les moyens de s'acquérir la redevance à l'instar des taxes. Dans les pays africains, l'étroitesse des marchés publicitaires et les systèmes de fiscalité chancelants sous la corruption, ont fini par rendre gratuite l'utilisation de ces technologies de l'information et de la communication avec la compensation du contrôle politique du contenu.

Ce sont les principales raisons du déséquilibre des flots d'information entre les pays riches du nord et les pays pauvres du sud dont le continent africain. L'accès à la presse écrite s'est confronté au même obstacle de la rentabilité. En particulier, il faut considérer en Afrique, le faible taux d'alphabétisation dans les langues d'édition de la presse (Français/Anglaisé/Portugais).

L'information et la communication étaient donc au service d'un microcosme d'élites africaines dont le seul objectif était, en fait, l'hégémonie sur leurs propres populations. Celles-ci n'avaient accès qu'à la part d'information qui leur était dédiée, modifiée et apurée, dans quelques courtes émissions dans les langues nationales. L'enjeu était l'utilisation personnalisée ou par des groupes des ressources des pays.

La propagation des idées de démocratie se trouvait ainsi largement limitée du fait des économies pauvres ne générant que de faibles revenus individuels. Le nombre de postes par famille et par individu n'évolue que lentement pour deux raisons : le cout et l'écoute collective. Cette dernière permet à plusieurs individus de profiter, à la fois, d'un poste de radio et de télévision. Il en découle une absence de motivation. Quand l'intérêt de l'auditeur et de l'audience se limite à une ou deux émissions dans la semaine ou dans le mois, ils fournissent peu d'effort pour acquérir l'un ou l'autre des postes.

La séquestration des médias par les gouvernements s'est, considérablement, amoindrie grâce aux technologies de communication et de l'information elles-mêmes. Quand l'homme ne maitrise plus la propagation des ondes et faisceaux hertziens. L'apparition des satellites impose, alors, la communication transfrontière dans les années 90 en même temps que la télématique prend pied. L'essor de la radio se fait sur des décennies. En 2009, les statistiques montrent que 75 à 97 pour cent de ménages en Afrique possèdent un poste de radio pour seulement 28 pour cent en ce qui concerne le poste de télévision. Les disques audiovisuels évoluent en compacts et des Dvds et maintenant Blue-Ray pour plus de confort.

L'expansion d'une culture de masse par les mêmes médias entraine une modification progressive des habitudes, notamment chez la nouvelle génération. La culture hybride qui les immerge dépasse les frontières linguistiques par le jeu de la projection-identification que distillent les médias. Cet épiphénomène se consolide et draine un changement sociologique qui semble se borner aux imitations et aux reproductions.

Mais les comportements vont être confrontés aux modèles de gouvernements africains qui laissent peu de place à la liberté d'expression et d'accomplissement de l'individu et limite la consommation que la culture de masse prône. Même avec ces limitations, la nouvelle génération souhaite reproduire les modèles sociopolitiques et économiques des pays industrialisés. Dans la génération qui précède, une grande majorité tend à suivre le courant de liberté politique et de la libre expression. Ces facteurs deviennent les jalons économiques qui conduisent vers l'éclosion du multipartisme. Les faits montrent que ce multipartisme n'est qu'un désir d'expression, en Afrique. il n'est pas, systématiquement, associé au gouvernement du peuple par le peuple que la Démocratie incarne. D'où, au contraire, la dictature des leadeurs politiques.

Avec la télématique, le développement rapide et vertigineux de l'internet surprend autant les pays riches du nord que ceux pauvres du sud. Ils se sont retrouvés face aux mêmes conséquences et aux mêmes effets dans plusieurs circonstances. Le caractère à la fois individuel et convivial de l'ordinateur dénommé « personnel » a rendu les communications multiples, faciles et rapides avec les « friendly interfaces » ou accès amicaux permettant à tous et à chacun de lui donner des ordres avec une seule clique.

En quelques dix ans de développement de l'internet, l'Afrique, qui représente 14,2 pour cent de la population mondiale connait un taux de pénétration évalué à 3,6 pour cent en 2007 ; soit 3 pour cent du nombre des utilisateurs mondiaux de l'internet. Alors qu'en 2004, le taux était de 2 pour cent. Bien qu'elle varie selon les pays, ce taux à raison de 643,1 pour cent sur la période est considérable. L'Afrique de l'Ouest, avec environ 30% de la population africaine, compte 21,5% de la population d'internautes en Afrique.

Au-delà des politiques utilisées par les compagnies et multinationales des pays riches qui en sont la source, l'évolution et le taux de pénétration de l'internet sont plus rapides que ceux de la radio et de la télévision. Il offre aussi beaucoup plus de confort d'utilisation. Il faut se demander, dès maintenant, quelle utilisation pourrait-on en faire au bénéfice des populations ?

La possibilité d'utiliser plusieurs langues écrites à partir d'un seul poste d'ordinateur et celle d'être utilisée par plusieurs personnes à la fois ouvre de larges perspectives d'information et de communication. D'autant plus que les autoroutes de l'information se multiplient et se croisent en un seul endroit au même moment : l'écran.

En Afrique, ou l'Arabe au nord est la seule langue écrite avec le swahili, peu répandu, les barrages linguistiques s'effritent tout de même. L'accès direct des individus aux transmissions dans les langues écrites passent rapidement aux messages oraux et à l'image. Le tout se fait simultanément, repoussant les frontières de l'analphabétisme et des langues écrites. Il devient possible de contourner les émissions « formatées » et orientées des gouvernements à la radio et à la télévision pour savoir ce qui se passe ailleurs. Le phénomène de la multiplication des radios et télévision privées se heurtera, souvent, aux lois nationales de diffusion et aux grilles de programmes prédéfinis. Ce ne pourrait être le cas de l'internet.

La multiplication des sites d'information allège la contrition et les restrictions de la presse écrite, en les contournant dans plusieurs pays. Des éditions de journaux écrit sur internet se créent et se multiplient sur la toile. La voie est ouverte à la diffusion des informations comparées. Les sites de débats politiques s'installent et permettent à ceux qui ne l'auraient pas rêvé auparavant de se faire entendre en se faisant lire.

Non seulement, il est, désormais, difficile aux gouvernants de diffuser des informations manipulées ou erronées à dessein mais ils se retrouvent dans certaines situations à répondre aux attaques sur l'internet. On y discute aussi des principes et idéaux de la Démocratie à travers les faits vécus dans différents pays. Même si certaines utilisations de caractère ethnocentrique ou transportant des ressentiments personnels ternissent, sur les bords, les débats sur l'internet. Ils ont permis de déterrer ces carences et de pouvoir les combattre. Mieux, on peut apprendre en même temps ce qui se passe sur un même sujet ou sur des sujets différents dans tous les pays au même moment.

Le phénomène est amplifié par les opportunités de faire des émissions de radio et de télévision à partir des ordinateurs pour les diffuser en direct ou en différé sur l'internet, à partir des années 2000, dans toutes sortes de langues parlées et/ou écrites. Ce n'est pas tout. Quand les grands médias ne peuvent pas se rendre sur place dans un endroit du monde ou des évènements importants ont eu lieu, il se trouve toujours quelqu'un pour leur retransmettre par internet les images et même les sons avec la complémentarité des téléphones mobiles. Ainsi nait et se consolide de jour en jour la Démocratie de l'information et de la communication.

Comptable à partir d'une très longue liste, les médias sociaux ont amené une autre dimension. Avec Facebook, You Tube, Google, Twitter, flickr, Linkedin, les blogs, et plusieurs autres … les échanges entre les individus, les familles, les professionnels et autres catégories, se font à un rythme régulier et ininterrompu. L'amplitude de l'information et de la communication a atteint un niveau jamais égalé et va surement s'élargir. C'est dans cette perspective qu'il est important, pour l'Afrique, d'orienter le contenu de l'internet au service des populations.

Les acquis dus aux progrès des moyens de l'information et de la communication – appelés Nouvelles technologies de l'information et de la communication – Ntic - ont atteint toutes les parties du monde à travers le libéralisme économique. La gestion de l'internet et des médias sociaux qui en découle, échappe totalement aux gouvernements.

Dans les pays d'Afrique ou le contrôle des gouvernements sur le secteur privé est encore sensible, il a fallu lâcher du lest, pour profiter de son essor économique (taxation, impôts, partage de dividende, etc.). Ces gouvernements ont dû accorder une forte marge de manœuvre aux investissements privés et favoriser l'implantation des petites et moyennes entreprises sous forme de cybercafés. Une étape. Même si, celle-ci participe, fortement, à la démocratisation de l'information et de la communication dans les pays africains, les limites économiques et techniques sont à considérer autant que celles liées aux politiques commerciales.

À l'intérieur des pays africains, l'on doit tenir compte aussi des limites concentriques à trois catégories différentes d'utilisateurs :

  • les personnes alphabétisées et instruites dans les principales langues de diffusion qui y recueillent l'information, établissent et gèrent un réseau social d'information et de communication. Ils disposent des moyens matériels.
  • les personnes dont les revenus leur permettent d'utiliser les cybercafés pour la simple communication interactive
  • Les personnes susceptibles de les utiliser de temps à autres à des fins de communication spécifiques rapides.

Malgré tout, si la poste transporte encore les lettres et les colis, il va sans dire, qu'elle a dû comme les réseaux commerciaux de vente et d'achat, intégrer l'utilisation de l'internet pour maintenir sa clientèle dans les pays riches du nord et certains pays asiatiques tel que le Japon ou l'Inde qui ont atteint un haut niveau de technologie informatique.

Les pays africains, y participent totalement avec des résultats inattendus. Le flot de transfert de l'information des pays du sud s'élève de plus en plus. À telle enseigne que de grandes compagnies nationales et multinationales n'hésitent plus à y implanter des centres d'appel pour le service à la clientèle. Les cas de l'Inde et du Sénégal sont au nombre des plus connus. Les entreprises de téléphonie cellulaire pullulent avec le soutien de la technologie de l'internet. Les cours en ligne, en provenance des pays du nord, se développent à un rythme soutenu.

L'information politique qui favorisait les gouvernants s'est élargie à tous. Il est de plus en plus facile de suivre à distance l'évolution des partis politiques et des leadeurs politiques, de connaitre les problèmes liés aux fraudes électorales, à la gestion des institutions et à la mauvaise gouvernance dans les pays africains.

Le printemps arabe, en Afrique au Moyen-Orient, qui a vu les régimes autocratiques des pays de l'Afrique du nord subir la contestation de leurs populations, ou s'effondrer grâce à celle-ci, est considéré comme un modèle de révolution faite à partir des médias sociaux. La réussite de ce modèle est liée à des acquis culturels qui ont servi de moyens à l'éveil des consciences. C'est par exemple la possibilité de communiquer dans une langue unique qui est écrite et donc à la portée d'une grande majorité de personnes concernées. À suivre…

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