Guinée : Remarques à propos des élections du 27 juin 2010

Publié le par O. Tity Faye

Du gouvernement d'Union nationale - La Guinée est en passe de donner une conclusion heureuse au processus de Démocratie souvent annoncée. C'est un évènement d'une très grande valeur historique. C'est aussi le moment de recourir à l'histoire politique de ce pays afin d'éviter des impairs dans un processus dont les débuts semblent prometteurs. La participation massive des populations doit aboutir à la mise en pratique de tous les principes démocratiques et au respect de ses idéaux de liberté et de droits et responsabilités.

En sortant le pays des régimes d'exception militaires successifs, il faut éviter d'étrangler, en même temps, les principes démocratiques et ses idéaux de compétition raisonnable qui entrainent l'alternance au pouvoir. Ce changement - qu'impose la Démocratie - est bénéfique au développement suivant un processus de mise en valeur de ses ressources humaines. Il est toujours dangereux de sacrifier cette conquête inestimable pour satisfaire les appétits individuels.

Au cours des campagnes électorales et lors du déroulement des élections, le 27 juin 2010, il se dégage l'impression que l'existence des 120 partis politiques et des 24 candidats au poste de président de la République préfigure un partage du pouvoir entre les leadeurs politiques. Les déclarations et les questions des journalistes à propos de la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, comme une exigence de l'après -élections sont inquiétantes.

Un parti politique va aux élections avec un projet de société qu'il a l'intention de mettre en valeur, à sa façon, pour le bien de tous. Son devoir premier est de prouver sur le terrain la valeur et le bénéfice de ce programme par rapport aux autres proposés. Il est donc difficile d'admettre que les grands partis politiques renient leur programme pour simplement participer à un gouvernement. Ou bien l'on a l'intention de ne pas accepter la victoire de l'autre ou bien il n'y avait ni conviction politique ni projet de société au départ. Ces leadeurs politiques auraient donc trompé les populations.

Face à un pouvoir politique, il faut une opposition solide qui critique et veille aux intérêts nationaux en poussant le parti au pouvoir à corriger ses erreurs et ses fautes. Cette opposition joue, dans une Démocratie qui fonctionne, le rôle de surveillant, d'évaluateur et de contrôleur. Son existence autant que sa force sont les seuls moyens d'empêcher la corruption du pouvoir et des principes de démocratie. Dans le cas « d'apaisement » souhaité qui regroupe, harmonieusement, les 24 partis politiques candidats au sein d'un même gouvernement d'union nationale, on s'achemine vers la création « déguisé » d'un parti unique.

L'essoufflement d'une opposition du fait de son embrigadement dans un gouvernement d'union nationale est une catastrophe pour la Démocratie et l'ouverture à toutes les formes de déviation dangereuses. La collaboration entre les partis politiques pour assurer une transition dans une situation de crise, réaliser des élections transparentes, est indiscutablement un devoir, hautement, patriotique. Mais il est mieux que les grands partis politiques se succèdent à la tête du pays pour lui offrir le meilleur de leur projet de société respectif. Un conglomérat de leadeurs politiques hétéroclites réunis au sein d'un même gouvernement est un marasme. Notons que les anciens Premiers ministres, candidats à ces élections, ont chacun connu des moments difficiles en voulant mettre en pratique leurs idées, dans un domaine ou un autre, de la gestion publique sous feu le Général Lansana Conté. De compromis en compromis, on abouti inévitablement à la compromission. C'est au cours et après les élections nationales que le patriotisme est mis à l'épreuve et l'intégrité soumise à une évaluation réelle.

À propos du verdict des urnes - Dans l'ensemble, tout le monde en appelle à la transparence des élections comme condition sine qua non d'une véritable transition apaisée. Jeu de mots. Tout le monde sait que le court temps de préparation alloué ouvre la porte à des impairs. La Constitution nationale n'a même pas été soumise à référendum ! Il ne faudrait donc pas alléguer de l'imperfection des opérations pour lâcher ses hordes en cas de défaite. Patriotisme oblige. Pourtant, sur les antennes, certains y mettent la condition du « Si tout se passe bien dans toutes les circonscriptions … ». Qu'est-ce qu'on insinue ?

Et si tout ne se passe pas bien dans toutes les circonscriptions ? Que va-t-il arriver ? À quel moment, a-t-on acquis l'expertise en matière d'élections ? Il faudra simplement procéder, si possible, aux corrections. Plus de mille observateurs venus de par le monde scrutent ces élections. Ils pourront apprécier, avec les guinéens, les impairs et leurs impacts sur le suffrage d'un ou des candidats. À condition de s'être arrogé à l'avance une victoire à conquérir sur le terrain, tout est possible. Il est donc important que les candidats ne se leurrent point en considérant les réceptions comme des votes acquis. Nos populations hospitalières ont accordé le même respect aux candidats, les ont écoutés, afin de choisir parmi eux et voter en conséquence. C'est ce qui explique leur participation massive aux élections, le 27 juin. Par ailleurs, quelques mois à la tête d'un parti politique ne garantissent à personne une assise politique sérieuse sur le terrain. L'on acquiert l'expérience d'une participation pour mieux faire à l'avenir.

Enfin une chose est sure : aucun parti politique ne bénéficie de faveurs administratives pour utiliser la fraude à son profit. Les leadeurs sont sur la piste d'une course de fond avec un même départ synchronisé. Le Conseil national de transition (Cnt) ainsi que le gouvernement de transition ont été le reflet des sensibilités politiques que sont les formations politiques guinéennes. L'autonomie de la Commission électorale nationale indépendante a été acquise. Les fautes et erreurs susceptibles d'entacher les procédures relèvent donc de la responsabilité de tous et de chacun. Ce constat est une raison majeure pour que chacun accepte le verdict des urnes sous la coordination des institutions qu'ils ont contribué à mettre en place. C'est pourquoi, l'autorité militaire qui accepte de quitter la scène politique n'acceptera pas de se laisser piéger par les réactions que certains pourraient susciter après l'annonce officielle des résultats du premier tour au troisième tour. C'est le moment pour l'armée et les corps de sécurité de passer de l'apaisement à l'impératif de la paix. La paix des braves ? Au besoin ! Que cela soit écrit et accompli.

Publié dans ÉDITORIAL

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article