CHRONIQUE D’UNE DÉMOCRATIE ANNONCÉE : LES PROLONGATIONS-Suite 5

Publié le par O. Tity Faye

Les revendications pour le changement et l'excroissance militaire.

La Tumeur de décembre 2008 - Le 23 décembre 2008, 24 heures après la mort du président de la République, le Général Lansana Conté, une junte militaire guinéenne s'empare du pouvoir et prend, progressivement, le pays en otage. À l'instar du Comité militaire de redressement national (Cmrn) en 1984, la nouvelle junte installe un Conseil national pour le développement et la démocratie (Cndd). La mission définie et annoncée est de conduire le pays à des élections démocratiques suite à une série de réformes. En 1984, il était question de redressement économique !

Des actions et une rhétorique populistes font croire aux populations guinéennes et à la plupart des personnalités politiques en vue qu'un groupe de jeunes militaires, inexpérimentés, sortiraient le pays du désordre. À moins que certains aient justement projeté de profiter de cette inexpérience. La junte, sous la conduite du capitaine Moussa Dadis Camara va contribuer à une plus grande désorganisation du pays.

Les institutions politiques et républicaines du pays sont mises sous clef au nom d'une relance de la transition démocratique sur des bases assainies. L'opinion nationale et une partie de l'opinion internationale – notamment le président de la République du Sénégal, Abdoulaye Wade, accordent du crédit à une junte, illégale et incompétente. « On comprend la particularité du cas guinéen. », dit-on. C'est pour dénier à une Assemblée nationale, en retard d'élection, sa légalité au profit d'un coup d'État. Les condamnations réelles suivront plus tard. Comment et pourquoi ?

Le souvenir de 24 années de gestion catastrophique des affaires nationales par le Général Lansana Conté, soutenu part l'armée, était, pourtant, encore vivace. Mais l'élimination du Pup (parti de l'Unité et du progrès) au pouvoir de l'avant-scène politique et du président de l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, semblait être plus urgente. Acceptée de facto, la junte militaire met en avant des actions de caractère populiste et une rhétorique homologue qui lui donnent un certain crédit.

La stratégie Populisme pour une popularité précaire

Janvier – mars 2009-. En effet, le Cndd et son chef désigné s'attaquent à la lutte contre les narcotrafiquants guinéens et procèdent à des arrestations- surtout dans les milieux liés à l'ancien pouvoir - autrefois réputés intouchables. Ils ont droit à l'acclamation des populations, longuement, asservis par la pauvreté et par la corruption administrative.

Transformé en tribun – peu éloquent mais farceur - le capitaine Dadis Camara – s'autoproclame président de la République. Retranché au Camp Alpha Yaya, il ne se prive pas de sommer, d'interpeler, de rouer verbalement, et d'humilier des personnalités au cours de nombreuses émissions à la télévision nationale pour des raisons plus ou moins inacceptables. On le tolère et on l'applaudit.

L'explication en est simple. Bien que la junte ne mette aucun membre du dernier gouvernement du défunt Général Lansana Conté aux arrêts, elle engage un processus d'audit sur la gestion gouvernementale. Sa popularité – et celle du capitaine Dadis - s'affiche en myriade au tableau de bord. Mieux, le capitaine Dadis Camara affine sa stratégie en nommant dans les administrations, à des postes en vue, de jeunes cadres qui avait du mal à gravir les échelons durant la double décade de l'avènement du Général Lansana Conté. Il se constituait ainsi un lobby de reconnaissance. Ces jeunes cadres seront à l'origine des mouvements et manifestations de soutien.

Mais entre les actions publiques applaudies se glissent, graduellement, de nombreux écarts dont le non respect des droits et libertés. En effet, les arrestations arbitraires se poursuivent sans aucune forme de légalité institutionnelle. La junte aménage sous le contrôle du Cndd une structure spéciale – sans compétence juridique légale – pour juger des cas. C'est alors que certains ministres dont le dernier Premier ministre du régime défunt, Ahmed Tidjane Souaré (mai 2008-23 décembre 2008) sont mis aux arrêts pour détournement de fonds publics. Ceux d'entre eux qui reconnaissent la forfaiture en acceptant de payer – même par portions - sont relâchés.

Le cas du ministre des Mines d'alors, Ahmed Tidjane Kanté, fait date. Il refuse de reconnaitre le détournement et accepte son emprisonnement. Bien que, Ahmed Kanté passe, avec succès en audience télévisée, il est remis aux arrêts. Au moment où il était question de le juger, les contradictions de caractère politique se développent. Quand l'arbitraire devient pesant, l'ordre des Magistrats de Guinée réagit et dénonce l'incompétence juridique institutionnelle en l'occurrence. Le bras de fer aboutit à un recul des prétentions du Cndd en la matière.

Le Désaveu – Déjà, dès le 23 décembre, la communauté internationale, notamment, la Cedeao, l'Union africaine et les États-Unis, avaient condamné le coup d'État en réclamant un rapide retour à un régime civil et à la normalisation constitutionnelle. Le règlement intervenu lors du coup d'État en Mauritanie laissait un goût amer d'échec dans la lutte contre les prises inconstitutionnelles du pouvoir en Afrique. Pour la Guinée, un groupe de contact international a été mis en place en vue d'observer l'évolution de la situation politique. Il comprend, notamment, Ibn Chambas déjà expérimenté en ce qui concerne la crise sociopolitique et économique en Guinée.

À ce moment, le capitaine Dadis et le Cndd avaient joué à l'apaisement. Ils avaient clamé, haut et fort, un but : sortir la Guinée de la misère et conduire le pays à une normalisation avec des élections transparentes. Pour cela, la Constitution ne prévoyait que 60 jours de battement ! Elle n'eut pas droit de citer. Et le Cndd s'empresse de mettre en place un gouvernement de transition. Un Premier ministre de la transition – Lamine Komara - est ordonné dès le 30 décembre 2008. L'armée et le gouvernement mis en place ne participeraient pas aux futures élections nationales.

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