CHRONIQUE D'UNE DÉMOCRATIE ANNONCÉE-Publication intégrale

Publié le par O. Tity Faye

VII – LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE 1993

Au fil des évènements qui précèdent, il n’était pas aisé de faire un bilan complet du processus électoral. Malgré la clôture des dépôts de candidatures et la publication de la liste des candidats par la Cour suprême, l’impression des bulletins de vote et le transport du matériel électoral dans les bureaux de vote n’étaient pas achevés. La question du « toilettage »[i] des listes électorales restait en suspens. Encore une fois, on s’acheminait vers un report de date.

Le changement de date intervint dans le courant du mois de novembre : la date des élections présidentielles du 5 décembre est décalée au 19 décembre 1993. Ce nouveau changement de date amène l’opposition à accuser le gouvernement de n’être pas –techniquement– prêt pour l’organisation des élections présidentielles. Les partis politiques de l’opposition radicale demandent alors à ce que le report porte sur une date plus éloignée pour, disent-ils, une meilleure organisation des élections. Le déficit organisationnel évident venait s’ajouter au problème, non résolu, de la composition et du contenu de la commission électorale nationale.

Sur le terrain, les formations politiques découvraient aussi que bon nombre de leurs électeurs ne pourraient pas voter du fait qu’ils n’avaient pas de carte d’identité nationale. Pour l’opposition, ce fut un handicap difficile à remonter. Une grande partie de l’électorat du parti qui soutient les actions du gouvernement, le Pup, se trouvait parmi les couches socioprofessionnelles, ayant une culture des documents d’identification. Le gouvernement réaffirme sa volonté de poursuivre le processus électoral en suivant son nouveau calendrier, le doigt pointé sur la date du 19 décembre 1993.

VII.1 – Les barouds d’honneur de 1993

Le 16 décembre, le palais du Peuple est le siège de la première réunion de la Commission électorale nationale. La rencontre est, cette fois, élargie aux représentants de la société civile dont Mgr Robert Sarah –Archevêque de Conakry– les représentants de la Ligue islamique nationale, les représentants des coordinations régionales des quatre régions naturelles. Majoritairement, les représentants prennent faits et causes en faveur de la revendication de l’opposition : le report des élections présidentielles pour une meilleure organisation.

Le chef de l’église guinéenne déclare à cet effet : « Le report des élections est une sage décision à prendre. Cela donne un temps propice pour refaire l’enveloppe sociale »[ii]. Critiquant les déclarations irrédentistes et régionalistes à relents ethnocentriques des représentants des formations politiques, il dénonce sur le mode interrogatif : « Est–ce possible d’assainir le climat social avec le contenu des discours qui passent maintenant ? » La position de la Ligue islamique nationale était connue à travers les nombreuses prières organisées pour le salut du candidat du gouvernement.

Les plaidoyers pour le report des élections présidentielles ne seront pas entendus. En effet, le 17 décembre, la réponse vient du chef de l’État lui-même. Son parti – le Pup – organise au stade du 28 septembre, à Conakry, un meeting qui mobilise en grand nombre ses militants et sympathisants. Le président de la République, sur le mode du slogan demande à la fin de son discours : « Voulez-vous un report ou la tenue des élections le 19 décembre ? ». La réponse de ses partisans est, évidemment, favorable à l’organisation des élections présidentielles à la date prévue.

Le matin du 18 décembre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur et de la sécurité organisent une rencontre avec les représentants des corps diplomatiques accrédités en Guinée, les observateurs internationaux dont quatre de l’O.u.a (Union africaine) ; deux du Canada et un de l’Organisation économique des États de l’Afrique de l’ouest (C.e.d.e.a.o). 

Les propos des ministres guinéens visent à convaincre de la possibilité d’organiser les élections présidentielles dans les meilleures conditions en Guinée : « les conditions techniques réunies peuvent permettre la tenue des élections présidentielles », explique le ministre de l’Intérieur et de la sécurité. Son homologue des Affaires étrangères ajoute, à l’intention des représentants de la communauté internationale : un bureau de coordination est mis à la disposition des observateurs où ils doivent décider, souverainement, de ce qu’il y a lieu de faire en ce qui concerne le suivi des opérations de vote ».

Tour à tour, ils prêchent la volonté du gouvernement guinéen d’organiser dans l’équité et la transparence les élections présidentielles. « Nous avons un code électoral parmi les meilleurs en Afrique. Mais l’application pêche par manque d’expérience », souligne Alsény René Gomez. Les diplomates évoquèrent l’occupation par des assaillants des ambassades de la Guinée à l’extérieur. À Dakar (Sénégal), en Abidjan (Côte d’Ivoire), le retard dans l’envoi des cartes et des listes électorales avaient eu pour conséquences les attaques des ressortissants Guinéens contre les ambassades respectives. En Sierra Leone, dans l’ex Zaïre, et en Guinée Bissau, pour des raisons similaires des manifestations de protestation avaient été organisées par les communautés guinéennes.

Le ministre des Affaires étrangères oppose l’argument suivant : « ce sont les premières élections démocratiques en Guinée depuis des années. Aucun gouvernement ne peut garantir l’organisation d’élections libres sans incidents ». La démonstration des ministres se poursuit par la présentation d’exemplaires des matériels de votes : urnes, scellés, cadenas, listes électorales, encre, bulletins de vote des huit candidats. Les représentants de la communauté internationale finissent par être convaincus de la possibilité d’organiser les élections dans des conditions viables. Pourtant, ils n’avaient aucune possibilité de vérifier leur disponibilité dans tous les bureaux de vote sur l’ensemble de l’étendue du territoire national.

Enfin, en ce qui concerne les commissions de suivi des scrutins, l’on apprend qu’il y en a deux. La Commission technique est chargée du dépouillement et de l’évaluation du scrutin. Alors que la Commission politique a plutôt une composition semblable à une commission électorale. Elle est composée des ministres de la Justice, des Affaires étrangères et des représentants des congrégations religieuses dont l’Archevêque de Conakry (qui n’y participera pas) et le représentant du secrétariat de la Ligue islamique. L’ouverture et la clôture des bureaux de vote sont prévues de 7 h : 00 à 18 h : 00. La diffusion des résultats provisoires devrait se faire 48 heures plus tard après la fermeture des bureaux de vote.

Le même jour, l’opposition organise une conférence de presse pour présenter et commenter un document signé de 33 partis politiques en faveur de « l’empêchement de la tenue des élections présidentielles ». Dans la capitale, Conakry, des pneus sont brulés à travers la ville. Quelques confrontations opposent les forces de l’ordre aux militants de l’opposition sortis pour soutenir dans les rues le mot d’ordre de l’empêchement des élections. Aussitôt la capitale est mise sous état de siège. Des fractions entières de populations apeurées se déplacent d’un endroit à l’autre, d’un quartier à l’autre. Ils tentent d’échapper aux possibles conséquences violentes des manifestations éventuelles !

Cependant – fait curieux – dans la nuit du 18 décembre, la dernière émission de l’expression directe des partis politiques reflète peu le mot d’ordre de l’empêchement des élections contenu dans le document signé, dans la matinée, par les 33 partis politiques de l’opposition. Seulement, deux candidats appellent au boycott et au suivi du mot d’ordre. Siradiou Diallo du Prp demande aux militants de l’opposition d’opter pour « l’empêchement de la mascarade électorale et de s’abstenir de voter ». Facinet Touré de l’Unpg, adopte le registre du plaidoyer en disant : « je souhaite que le Général Lansana Conté se ressaisisse pour accepter que les élections soient reportés pour éviter aux guinéens une confrontation ».

À l’opposé, Bâ Mamadou Boye de l’Unr, au cours de la même émission, exhorte ses militants à la participation : «vous devez voter ; voter est un devoir ». Les autres partis politiques, présentant des candidats aux élections présidentielles, le Rpg du Pr Alpha Condé ; le parti Dyama de Mansour Kaba ; l’Upg de Jean Marie Doré et le Pdg-Rda d’El hadj Ghussein évitent de se prononcer sur la question, en cette veille des élections présidentielles.

Une fois de plus, l’opposition manquait son rendez-vous d’alliance et de ralliement. Cela explique pour beaucoup pourquoi et comment le principe de la candidature unique a été abandonné avec l’accord tacite des uns et des autres.

Dans cette nuit du 18 au 19 décembre 1993 – à la suite d’une longue réunion – la Commission électorale nationale publiait une déclaration pour signifier la suspension de sa participation au déroulement des élections présidentielles. Alsény René Gomez, le ministre de l’Intérieur et de la sécurité pouvait achever cette tranche du processus démocratique en Guinée selon son désidérata et ceux de son mentor.

VII.1.2 – L’élection présidentielle au fil des évènements

Le 19 décembre, jour des élections, seul l’État-major du Prp s’échine à évaluer l’impact du boycott. De ses inspections à Conakry, il résulte que dans certains quartiers des communes de Ratoma et Matoto, leurs militants suivaient le mot d’ordre et ne votaient pas. À l’intérieur du pays sur les 33 préfectures, c’est principalement dans la ville de Labé à 286 km de la capitale– réputée être son bastion – que les militants du Prp attendaient l’aval de la direction du parti pour voter.

En ce qui concerne les candidats, celui du Pup – le président de la République sortant – s’était acquitté de son devoir, en compagnie de sa première épouse Mme Henriette Conté, dès 7 heures 30 du matin. Le candidat de l’Unr avait voté vers midi, à Conakry. Mansour Kaba, candidat du parti Dyama, a accompli ses devoirs civiques dans la ville de Kankan. La plupart des candidats ont suivi le mouvement en différents endroits du pays. À cause des hésitations – et peut-être – en l’absence d’un consensus réel cet appel à l’empêchement des élections n’a pas été suivi. Les populations ont tenu à s’acquitter de leur devoir civique en votant. Elles croyaient, par ce geste, faire table rase du passé.

Il convient, toutefois, de partir d’une vision globale pour comprendre l’attitude des populations. Leur participation instinctive, est à considérer comme un hymne à la Démocratie en tant que principe de liberté et d’expression. Mais, les populations guinéennes croyaient, surtout, effacer les parts négatives de leur passé liées au totalitarisme sous la 1re République et au dirigisme contraignant du régime militaire sous la 2ème République. Cette dernière, huit ans après, n’avait pas pu combler les attentes immédiates. Ce vote signifiait donc pour les populations guinéennes, la marche vers des perspectives nouvelles que devrait refléter tout changement de régime.

Pourtant, dans les villages ou districts de certaines préfectures, des électeurs n’ont pas pu voter parce qu’ils n’avaient pas de cartes d’identité nationale. C’était le principal document d’enregistrement et de vérification. Ici et là, des incidents ont éclaté à cause de militants mal contrôlés ou trop passionnés. Ils ont été vite maitrisés. Dans la capitale, les urnes des communes de Ratoma et Matoto ont été brisées lors d’attaques des bureaux de vote.

Constatant l’échec de l’empêchement des élections les militants – notamment du Prp et de l’Unpg – tenteront, en vain, de voter pour leurs candidats. Dans l’ensemble, chacun semblait se reposer des troubles – avec son lot de morts et de blessés – qui ont précédé l’organisation de ces élections.

Entre les candidats à la présidence de la République des partis politiques de l’opposition et leurs militants se dresse alors un rempart : la différence entre la pratique politicienne et la mise en œuvre des résolutions. Les État-major se rejetteront, plus tard, la responsabilité de l’échec de l’empêchement de la tenue de ces premières élections nationales. 

VII.1.3 – L’hypothétique second tour des élections présidentielles

Certains observateurs de l’Organisation de l’unité africaine (O.u.a, actuel U.a) et de l’Organisation économique des états de l’Afrique de l’ouest (C.e.d.e.a.o) s’accordaient déjà à reconnaitre que « Les citoyens ont fait montre d’un niveau élevé de civisme et de discipline ». Survint alors un des évènements majeurs qui vont discréditer ces élections présidentielles de 1993.

Les premiers résultats du 21 décembre donnaient gagnant le candidat du Pup. À la place de la Commission électorale nationale qui a démissionné la veille, les membres de la commission technique et de dépouillement et ceux de la commission politique sont détendus.

Le lendemain, tout le décor change. Conakry, la capitale est de nouveau assiégée par l’armée. L’atmosphère se crispe au palais du Peuple. La raison : une remontée spectaculaire du candidat du Rpg, le Pr. Alpha Condé, avec les résultats des votes dans la préfecture de Siguiri, à 700 km de la capitale. Au Palais du Peuple toute sortie est soudainement interdite. On apprend des autorités que si le candidat du Rpg s’adjugeait 70.000 votes à Kankan (Haute Guinée), le 2ème tour serait inévitable. Il obtint bien plus : 101.000 votes, selon les chiffres collectés par les commissions gouvernementales. Ce qui – tous scores confondus – menait au second tour. Les tractations commencèrent.

Du côté du pouvoir en place, l’on apprend que le président sortant ne voulait pas entendre parler d’un second tour. Ce qui fait croire que le Général Lansana Conté aurait épuisé ses cartouches électorales.

Des représentants de la communauté internationale – à travers ambassades et représentations des organisations internationales – interviennent en faveur du second tour En substance, ils affirment que le second tour constituerait un élément de preuve de la transparence des élections. Les autorités guinéennes y résistent et refusent, choisissant le chemin de croix pour la transition démocratique guinéenne !

Le pouvoir en place trouve une parade, le 23 décembre. Vers 1 heure du matin, le ministre de l’Intérieur et de la sécurité annonce l’annulation du vote de la préfecture de Siguiri où le candidat du Rpg avait raflé plus de 80% des votes. Alsény René Gomez explique cette décision en disant que le vote de Siguiri avait été caractérisé par « le manque d’urnes et d’isoloirs (...) Des militants ont voté sous la menace »[iii], assure-t-il.

Dans la matinée du 23 décembre, le candidat Lansana Conté dépose une plainte dénonçant l’irrégularité des votes de Siguiri. La Cour suprême se prononcera en sa faveur.

À la suite de ces évènements, les résultats provisoires des élections présidentielles sont proclamés annonçant la victoire de Lansana Conté du Pup, pour un mandat de cinq ans. Selon la conclusion des commissions, technique et politique, chargées du dépouillement du scrutin en l’absence de la Commission électorale nationale, il a remporté 50, 93% du suffrage exprimé de 2.132.167 votants sur environ 7 millions d’habitants en Guinée. L’opposition, avec les suffrages des sept (7) candidats a donc obtenu 49,07% des suffrages exprimés. Le taux de participation officiel a été déclaré à 78, 84% !

On s’interrogera toujours sur la démarche que l’opposition guinéenne aurait suivie, dans le cas où ce second tour aurait eu lieu. Elle vivait une succession de crises : le désaccord à propos du mot d’ordre de l’empêchement des élections après le désaccord sur le principe de la candidature unique. La situation avait été totalement défavorable aux candidats Siradiou Diallo et Facinet Touré dont les militants avaient partiellement suivi le mot d’ordre de l’empêchement.

L’option du ralliement derrière le candidat du Rpg aurait-elle prévalu, pour gagner ? Les frustrations personnelles auraient pu être un obstacle à la mise en œuvre d’une telle stratégie électorale au second tour. On ne confirmera ni n’infirmera – certainement – jamais une telle hypothèse.

Résultat provisoire des élections présidentielles du 19 décembre 1993

 

CANDIDATS

SUFFRAGES EXPRIMÉS

 

TOTAL

 

%

Préfectures/Com

Ambassades

Lansana Conté

1.076.936

9.040

1.085.976

50,93

Alpha Condé

441.360

3.670

445.030

20,85

Bâ Mamadou Boye.

273.360

6.243

279.603

13,11

Siradiou Diallo

245.631

2.748

248.379

11,64

Facinet Touré

28.892

405

29.297

1,37

Jean Marie Doré

19.418

142

19.560

0,91

Mansour Kaba

12.823

133

12.956

0,60

El.  M. Ghussein

11.604

97

11.701

0,54

Taux Part.

78,84

Source : Commission technique et de dépouillement – Ministère Intérieur et sécurité – Décembre 1993

La controverse autour de ces résultats amena le pouvoir en place à déployer des groupes de militaires aux différents carrefours de la capitale et à occuper les villes proches où l’opposition pouvait avoir un certain crédit. Les tirs en l’air de ces militaires ont eu pour effet d’empêcher toute manifestation contre la déclaration par Alsény René Gomez de la « victoire » du Général Lansana Conté dès le premier tour. 

VII.1.4 – Lansana Conté élu : L’homme et le président de la 3ème République

Lansana Conté est né en 1934, dans une localité de la préfecture de Dubréka, appelée Moussayah-loumbaya. L’homme est un militaire de carrière. Selon des informations en provenance de sa famille, il a très tôt exprimé le désir d’intégrer l’armée. Quand il avait moins de quinze ans.

Après l’école primaire à Dubréka, Lansana Conté passe par l’école des troupes de Bingerville en Côte D’Ivoire, et obtient aussi un diplôme de formation militaire en 1957 à Kayes[iv], une école militaire de l’armée Française. Munie du Certificat interarmes, il participe, au sein de l’armée française, à la guerre d’Algérie.

En 1958, le sergent Lansana Conté est de retour en Guinée. Après une autre formation à l’École d’officier du camp Alpha Yaya, il est promu au grade d’aspirant en 1962. Il avait parallèlement obtenu son brevet de chef section d’artillerie. L’artilleur va se retrouver au 2ème bataillon de l’armée guinéenne dans la préfecture de Kindia en Basse Guinée où il devient sous-lieutenant et lieutenant respectivement en 1963 et 1965. Affecté à Koundara, une autre préfecture en Moyenne Guinée, il est en mai 1968 Commandant de la compagnie militaire de Gaoual dans la même région (province). Puis, il est promu officier de commandement adjoint du 4ème bataillon de la région de Guinée Forestière, à NZérékoré.Réaffecté dans la préfecture de Kindia au 2ème bataillon en 1969, il rejoint Conakry un an plus tard. Il y gagne ses galons de Capitaine en 1971, à la suite de faits d’arme lors de l’agression du 22 novembre 1970.

Plus tard, il est nommé Commandant de la zone opérationnelle de Boké et participe aux luttes de libération du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap-Vert (Paigc) contre l’occupation portugaise.

Ironie du sort, Amilcar Cabral, le Secrétaire général du Paigc, fut assassiné à Conakry en 1973. En 1975, le capitaine Lansana Conté est élevé au rang de chef d’État-major adjoint de l’armée guinéenne de terre. Il obtient alors la confirmation de son grade de Commandant en 1977 et celui de Colonel en 1982

Sous la première République avec laquelle il a bâti sa carrière militaire, le Colonel Lansana Conté a été député en 1980. Il a participé, comme plusieurs officiers aux diverses activités politiques du régime de la 1re République en Guinée.

Le président Ahmed Sékou Touré meurt –le 26 mars 1984– des suites d’un infarctus du myocarde à l’hôpital de Cleveland aux États-Unis d’Amérique. Malgré les dispositions de la Constitution guinéenne d’alors autorisant le Premier ministre – Louis Lansana Béavogui – à assumer les fonctions de président de la République, des dissensions naissent et s’exacerbent au sein du Bureau politique national (Bpn) du parti unique au pouvoir, le Pdg.  L’armée intervient le 3 Avril 1984 et prend le pouvoir, sans effusion de sang. Pour gouverner, cette armée se dote d’un Comité militaire de redressement national (Cmrn). Le colonel Lansana Conté est choisi par ses pairs pour en être le président.

VII.2 – La contestation des résultats de l’élection présidentielle 

À la suite de l’annulation du vote dans la préfecture de Siguiri, les résultats provisoires des élections présidentielles portant le Général Lansana Conté à la tête de la 3ème République seront contestés par certains des candidats aux présidentielles. Avant la proclamation des résultats définitifs, on craint une escalade de protestations de la part des militants de l’opposition.

Les leaders politiques montent aux créneaux.

Dans un élan nationaliste en faveur de la préservation de la paix sociale, ils expliquent à leurs militants l’inutilité et le danger que représenteraient de nouveaux affrontements. Ils avaient décidé de suivre une autre stratégie : recourir à la légalité républicaine. Le 23 décembre, suite à la proclamation des résultats provisoires, le candidat du Rpg – Alpha Condé – explique à ses militants : une fraude massive a été organisée. Nous attendons des détails du ministre de l’Intérieur qui n’a pas le droit d’annuler un vote ni de nommer une commission technique de recensement.

Tout de même, il les appelle à se positionner pour la continuité en faisait un bref historique du parti unique qui installa un régime révolutionnaire en Guinée : le Pdg avait au départ 30.000 militants. En six mois, il est passé à 300.000 militants. En 1957-58 les femmes se sont mobilisées et le parti est devenu national. Je ne dis pas qu’on attendra tout le temps mais il est certain que nous devons renforcer notre engagement, dit-il.

Revenant aux résultats du scrutin, il commente : que le ministre annule les résultats de Siguiri alors que les représentants de la Cour suprême et son propre représentant ont signé (les procès-verbaux), il faut attendre de voir ce qu’il va faire. Et enfin, il indique la ligne de conduite à suivre, en attendant : « Quiconque répondrait aux provocations ou créerait des incidents l’aurait fait en son nom et non au nom du parti »[v]. L’appel au calme est clair.

La position du leader du Prp rejoint celui du leader du Rpg, Siradiou Diallo. Il déplore l’attitude provocatrice de certains militants du Pup, ce 23 décembre, mais opte pour le calme dans l’espoir que la légalité finira par triompher.

Il conteste, à son tour, les résultats des élections mais privilégie le recours à la Cour suprême. Les éléments sont là et chacun, aujourd’hui, sait que du point de vue juridique il sera très difficile à la Cour suprême d’avaliser, avec le droit, les résultats communiqués par le ministre de l’Intérieur. Nous pensons que ces élections devraient être purement et simplement annulées et beaucoup de facteurs militent dans ce sens. Nous verrons si la Cour suprême délibère de façon souveraine[vi], explique le leader du Prp.

C’est donc le recours à la Cour suprême qui va l’emporter. C’est à elle qu’il revient de valider ou non les résultats des élections présidentielles du 19 décembre 1993. Presque tous les candidats déposent une plainte auprès de la Cour suprême pour signaler des irrégularités et dénoncer les fraudes.

L’institution juge, reconnait quelques infractions sans leur attribuer la pertinence nécessaire pour remettre en cause la nature et le contenu des votes.

En résumé, ils n’ont pas la substance requise à compromettre l’ensemble du scrutin électoral, selon la Cour suprême. Même si dans la forme des incidents ont perturbé les élections en certains endroits, dans le fond ils ne sont pas de nature à invalider les résultats du scrutin, conclut en substance Me Lamine Sidimé, Premier président de la Cour suprême. La Cour internationale des juristes a émis de sérieuses réserves en ce qui concerne les résultats de cette élection présidentielle de 1993.

 

 

 



[i] Il s’agit de la correction et de la finalisation des listes électorales, contestées par les partis politiques de l’opposition.

[ii] Déclaration de Mgr Robert Sarah, Archevêque de l’Église de Conakry, à la réunion de travail sur la mise en place de la Commission électorale nationale – 17 décembre 1993 – Voir l’indépendant n°49 du 23 décembre – p.2.

[iii]  Déclaration liminaire, faite par le ministre de l’Intérieur et de la sécurité, à la presse nationale et internationale, dans la nuit du 22 au 23 décembre 1993, au palais du Peuple.

[iv]  Kayes est une ville de l’actuelle République du Mali, ancien Soudan français au moment de la colonisation.

[v]  - Extrait du discours du Candidat du Rpg, à son domicile de Madina, à Conakry. Voir L’indépendant n°49 du 23 décembre 1993.

[vi] - Extrait du discours du candidat du Prp, à son domicile de Lanséboundji, à Conakry. Voir L’indépendant n°49 du 23 décembre 1993

 

Publié dans Politique

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