Guinée - 27 juin 2010 : Les élections de la négociation

Publié le par O. Tity Faye

ACÀ coup sûr nos leadeurs politiques en Guinée sont chanceux. Au cours d’une seule élection ils vont avoir la chance d’affronter tous les maux de l’espace politique guinéen et tous leurs démons personnels : l’ethnocentrisme, le régionalisme et l’affairisme politique. L’originalité de ces élections réside là. Malheureusement, elle va se jouer sur une toile de fond où la personnalité des leadeurs politiques supplante les projets de société respectifs.

C’est l’une des conséquences de l’existence de 125 partis politiques légalement reconnus. Le multipartisme sauvage élague le débat politique autour des projets de société et le dépouille de son influence. En terme simple, va vers les élections du 27 juin 2010 un pays meurtri dont l’élite est éparpillée dans des options insaisissables. Sinon des oppositions d’homme à homme. Il faut faire très attention ! La situation clame l’existence de 125 leadeurs potentiels. Mais elle montre, au prime abord, qu’ils sont incapables d’aboutir à des compromis, à un consensus autour du mode de résolution des problèmes cardinaux du pays à travers la construction des partis politiques. Trois raisons peuvent être évoquées :

Premièrement, l’existence de représentations postiches sous forme de formations politiques constitue un frein au dialogue. Elles regroupent les affairistes politiques qui, en dernière instance, ne cherchent qu’un moyen de se garnir. Deuxièmement, la naissance de groupements d’intérêt politique dans la mise en œuvre des stratégies ethnocentristes et régionalistes dénote d’une désaffiliation et d’un déficit de confiance au niveau des premiers partis politiques existants. Troisièmement, l’émergence d’opposants issus du régime du Général Lansana Conté opposés à l’opposition politique existante. Entre les trois motivations il est certain que la configuration du paysage politique dénote de la particularisation à outrance des intérêts. À moins qu’il ne s’agisse d’une compétition entre des hommes qui, pendant longtemps, ont occupé des versants opposés d’une même montagne, en refusant toutes initiatives de conciliation. Il ya là des points de négociation. Il sont imposés par lefractionnement de l’électorat.

Les projets de société et programmes politiques standards :

Avec la pluralité des positions que préfigure le nombre des partis politiques, l’on tombe dans le labyrinthe de la redondance et de l’imitation en ce qui concerne les projets de société et programmes politiques et économiques. La geste politique est homologuée au point qu’il devient difficile de faire la distinction entre les projets de société qui devraient attirer les votes distinctifs des électeurs. Dans les circonstances actuelles, un programme de parti politique est égal à un autre en Guinée. En force de persuasion, ils s’annulent. Ayant les mêmes contenus dans la plupart des cas. C’était prévisible. Pour exister, les petits partis politiques n’auraient fait que copier les programmes ou projets de société des partis politiques qui ont l’expérience du pays. Si et seulement si ces derniers en ont un de viable. Ou alors ce sont les partis qui ont l’expérience du terrain qui vont mettre dans leurs corbeilles les nouvelles bonnes idées des nouveaux partis politiques.

Vue sous ces angles, la cause est malheureusement déjà entendue. Le programme politique et économique est facile à élaborer : Chaque parti politique veut sortir la Guinée de l’ornière après ses cinquante années de vaches maigres. Les critiques s’élaborent, toutes, sur fond de reproches et de dénonciations des bilans respectifs de la 1ère et de la 2ème République. Politique politicienne ? Il y a très peu qui développe un discours méthodologique sur fond de planification réalisable. Au cas où il y en aurait, la volonté, les moyens et surtout le temps nécessaire pour faire en sorte que les populations les approprient, manquent. D’ailleurs, comment aurait-on pu le faire avec l’irruption du Cndd ? Et après, le court délai imparti pour la période transitoire. Résultat : les citoyens auront du mal à connaitre les projets et programmes de société des partis politiques, à les distinguer les uns des autres, et à voter conséquemment. À ce jeu, les partis politiques accusant plus de vingt années de lutte contre le régime du Général Lansana Conté peuvent tenir la dragée haute s’ils ont pu maintenir leurs structures d’implantation géographique. Malgré les bousculades de nouveaux arrivants, Le Pup (Parti de l’unité et du progrès) avec Aboubacar Somparé, et notamment le Rpg (Rassemblement du peuple de Guinée) s’inscrivent sur ce registre

Quoiqu’il en soi, il faut un programme bien ficelé d’où le gouvernement tire, dès son installation, une politique d’orientation générale et des programmes viables qui rencontrent les attentes nationales et celles de la communauté financière internationale. Ou alors, au lendemain des élections nationales les nouveaux dirigeants en seront encore à se demander ce qu’il faut faire. À la place d’actions concrètes, les premières dépenses seront orientées sur le changement des noms de départements ministériels, l’installation des ministres et l’achat de véhicules administratifs. De nombreux voyages à l’extérieur seront organisés pour « attirer des investisseurs ». Alors que ce sont ceux-ci qui devraient accourir après évaluation du caractère des élections et des programmes proposés.

Des sommes faramineuses sont ainsi englouties. Mais l’ironie est qu’elles ne seraient pas détournées comme on a coutume de le dire. Elles n’étaient affectées à rien, faute de plan de travail. Or, les similarités des projets de société et des programmes ne disparaitront que dans la mise en application et les résultats obtenus.

Les leadeurs politiques

Dans le jeu politique qui mène aux élections du 27 juin, le débat autour des projets de société et programmes politiques des partis politiques sera plutôt un débat intellectualiste auquel les populations guinéennes ne pourront pas prendre part. L’enjeu des élections se jouera autour de la personnalité des leadeurs politiques. Que sont et que valent ces leadeurs ? La question parait impertinente. Mais enfin de compte le leadeur de parti politique est le « héro » qui a choisi d’être analysé à partir de ses propositions et d’être observé dans la gestion de la chose publique. .

Dans le cas guinéen, l’appréciation des leadeurs politiques est simple et complexe selon l’angle sous lequel on se place pour les analyser suivant certaines perspectives. D’un point de vue diachronique, où l’histoire joue un rôle essentiel, tous les patriotes qui veulent présider aux destinées de leur pays se valent. En effet, si au lendemain du 3 avril 1984, deux Pdg issu du parti unique défunt ont été acceptés dans le paysage politique, pourquoi serait-il refusé aux premiers ministres et fonctionnaires du Général Lansana Conté une participation à la vie politique ? C’est une logique de l’histoire politique récente de la Guinée.

 Elle découle de la logique première qui en Guinée, efface les institutions au profit et au détriment de l’Individu. On met les fautes et les déviations sur le dos du président de la République quand et seulement quand il est décédé. Ce qui permet d’acquitter les autres décideurs vivants. L’impair mémorable fut l’exécution arbitraire des membres du dernier gouvernement du président Ahmed Sékou Touré pour crimes politiques et économiques. On peut se consoler en se disant que certains survivants ou leur progéniture ont servi encore sous le second régime. Rédemption ? Mais l’évaluation du dernier gouvernement de Lansana Conté ainsi que celle du Cndd et de son gouvernement pour crimes économiques et politiques est, maintenant, soigneusement évitée pour la réussite d’une « transition apaisée ». Soit !

Quoi qu’on fasse, il dépendra désormais des populations de faire la sélection par le vote, le 27 juin 2010, selon leurs propres critères. C’est le choix guinéen pour une « transition apaisée ». Tout comme les règles de limitation des partis politiques n’ont pas été imposées, la sélection des candidats suivant des critères de probités morale et intellectuelle autant que de compétence n’ont pas, non plus, prévalu. À la place prévaut celui de la santé physique ! Sans le dire, le seul palliatif à la multitude de candidatures devient la caution à payer.  Quatre cent millions Fg, bien sûr décriés dans un pays où on évite de faire des évaluations. À l’examen, la caution est un dépôt de montant que tout parti politique organisé, sur la durée, nanti d’un programme politique « vendable » aurait pu se procurer. Elle exprime la valeur du parti sur le terrain, logiquement.

Malheureusement, la Guinée a pour le moment, des partis politiques au financement individualisé au niveau du leadeur politique. Le paiement de la caution est ainsi un audit non du parti politique mais du leadeur. On se demande comment des candidats dont l’apparition sur la scène politique date de quelques mois tels que Celloun Dalein Diallo (Udfg), Kassory Fofana (GPT), Parti Guinée pour tous, etc. vont payer cette caution s’ils n’avaient pas auparavant puisé dans les caisses de l’État, lorsqu’ils étaient aux affaires ?

L’interrogation ne se pose pas avec le même soupçon pour Sidya Touré (Ufr), homme d’affaire reconnu, revenu dans son pays avec un crédit financier, Lansana Kouyaté (Pedn) Parti de l’Espoir pour le Développement National et François Lounsény Fall (Fudec) Front Uni pour la Démocratie et le Changement. Les deux derniersi ont eu le bonheur de travailler dans les organismes internationaux où ils percevaient des salaires en devises étrangères. Même si cela ne les acquitte pas de leur part de responsabilité dans la gestion malheureuse que le pays a connu. S’insère dans cette catégorie, Aboubacar Somparé (Pup) parti de l’unité et du progrès, coupable d’avoir dirigé le parti qui soutient les actions du gouvernement.

Il reste les opposants historiques qui n’ont jamais servi dans un gouvernement de la 2ème République que représente, particulièrement, parmi les candidats, Alpha Condé (Rpg) Rassemblement du peuple de Guinée. Parmi eux, Jean Marie Doré (Upg), Premier ministre du gouvernement de transition, Mansour Kaba (Parti Djama) sont disqualifiés après leur contribution au gouvernement d’union nationale de transition. En dessous de cette catégorie se place, le fils du premier président de la Guinée, Mohamed Touré (Pdg) Parti démocratique de Guinée qui hérite d’Ismaël Ghussein autant que de l’héritage politique de son père.

 Ensuite, les nouveaux arrivants « propres » de n’avoir pas servi dans un gouvernement de Lansana Conté » Ils proviennent plutôt de la diaspora guinéenne. Parmi les leadeurs-candidats « sédentaires », on peut compter, pour suivre la règle de l’analyse l’homme d’affaire, Mamadou Sylla (Udc) Union démocratique de Guinée. Pdg du Groupe Futurelec et également président du patronat guinéen, il a été l’homme de main du président Lansana Conté durant les derniers années de sa présidence. On peut lui reprocher l’ambigüité de ses affaires ou la corruption, mais il n’a pas servi au gouvernement. À l’exception de celui-ci, les leadeurs sédentaires de cette catégorie font face au handicap des difficultés financières.

Tandis que ceux issus de la diaspora, comme Ibrahima Abe Sylla (NGR) Nouvelle Génération pour la République, affrontent la vieille et pernicieuse stratégie qui oppose les guinéens sédentaires aux guinéens de l’extérieur. Même si leur durée et de leur expérience sur le terrain les en épargnent aujourd’hui, les leadeurs politiques venus de l’extérieur parmi les leadeurs historiques – Alpha Condé, Jean Marie Doré, feu Siradiou Diallo, etc. - l’ont subi au fil des années.

Ce sont là, réunies, les véritables considérations et les données qui à la place des projets de société et programmes politiques, offrent aux électeurs guinéens les critères de choix au niveau des candidats. Ces critères ne peuvent être battus en brèche que par les partis politiques qui ont une longue durée d’implantation sur le terrain et qui su maintenir leur influence.

Enfin dans la catégorie « nubile », viendront les partis politiques dont les leadeurs doivent leurs ambitions au coup d’État du 23 décembre 2008, à l’existence du Cndd et du Capitaine Moussa Dadis Camara. L’on s’attend à la participation de Boubacar Barry (Anr) Alliance Nationale pour le Renouveau, ancien ministre de l’habitat et de l’urbanisme. Il aura en face, dans cette catégorie circonstancielle, l’ancien ministre de l’environnement de la junte, Papa Koly Kourouma. Ce dernier a titre de candidat du collectif des partis politiques de la Forêt. Révélateur.

C’est autour de ces catégories de candidats et ceux qui vont arriver, impromptu, que se jouent les enjeux des élections du 27 juin 2010. Avec plus de cent partis politiques et plus d’une dizaine de candidats à la présidence de la République, les technocrates et administrateurs guinéens crient à la face du monde que chacun d’entre eux est capable de diriger le pays. C’est une illusion. Chacun peut un peu pour les populations à travers ses compétences spécifiques. Le rejet de cet axiome dénote aussi d’une adversité de clan qu’il faudrait aplanir pour choisir Primus pares l’un d’entre eux. C’est une expérience unique.

Cette nécessité appelle aux alliances qui ont été recluses pour en faveur de la myriade de partis politiques dont les leadeurs ont une seule et unique optique : être pris au sérieux et avoir le droit d’être à la table de discussion. Askia ! Cela ne le sera pas. Cela sera, lorsque les uns et les autres auront prouvé qu’ils représentent quelque chose sur le terrain, au niveau des populations, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Cette valeur s’exprime d’abord à travers le paiement de la caution fixée non pas en tant que montant mais comme une symbolique exprimant la représentativité du parti politique sur le plan national et international. Négociation quand tu t’imposes pour recréer la nation !

Ceux qui ne peuvent pas dépasser la ligne verte devront s’aligner derrière ceux qui le peuvent. Et ceux qui bénéficieront de l’avantage du scrutin conduiront les autres. Ce sera la loi implacable de la Démocratie. Cette loi impose à chacun de se débarrasser de l’ethnostratégie et du régionalisme, de la stratégie de rejet du guinéen de l’extérieur, de la discrimination de sexe et de religion, pour se reconnaitre Guinéen. Ce qui veut dire : négocier pour créer des alliances de participation et de contribution au devenir national avant, pendant et après les élections du 27 juin 2010. Soyons sereins et raisonnables. Il n’y a pas, cette fois, de parti politique issu du gouvernement, qui soutient les actions du gouvernement et bénéficie du soutien du gouvernement. Que cela soit écrit et accompli.

 

 

 

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H
<br /> <br /> Un très bon article  qui<br /> permet de comprendre la photo politique de notre guinée.<br /> <br /> <br /> Comprendre une situation permet de prendre de bonnes décisions pour<br /> corriger la situation. J’espère que sera le cas. Car il n’est jamais trop tard.<br /> <br /> <br /> Merci pour Tity<br /> <br /> <br /> Good Job!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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