CHRONIQUE D’UNE DÉMOCRATIE ANNONCÉE : LES PROLONGATIONS– suite 7

Publié le par O. Tity Faye

Septembre noir : la descente infernale et le déclin

Malgré son nom « Moussa-Moïse) Sauvé des eaux, il n'a pas su accomplir son destin en conduisant son peuple vers la rédemption.

Le capitaine Dadis Camara – aveuglé par un soutien populaire inexistant en réalité - fait la sourde oreille aux résolutions, conseils, et requêtes, du Groupe international de contact sur la Guinée (29 avril 2009 et 4/5 mai 2009). Il tente, en même temps, de paralyser les partis politiques Mais ces derniers, peut-être galvanisés par de nouveaux leadeurs, préparent leur réaction.

Lorsque le capitaine Dadis Camara, soutenu par le leadeur de l'Udr, Ousmane Bah, va à la conquête du Foutah Djalon (Moyenne Guinée), les partis politiques de l'opposition décident d'organiser une marche de protestation contre sa candidature aux élections nationale. Sur leur calendrier, la date symbolique du « NON » le 28 septembre. Date à laquelle en 1958, Sékou Touré à la tête d'une coalition de partis politiques, conduit le pays à l'indépendance. Le « Non » qui a mis fin à la colonisation française en Guinée et ouvert la voie à celle de plusieurs autres pays africains.

Le gouvernement du Cndd contre-attaque en déclarant ce jour férié et en interdisant la marche de protestation. Les sollicitations des partis politiques reçoivent une silencieuse fin de non-recevoir. Peine perdue. Au lieu d'une marche de protestation, les leadeurs et leurs militants choisissent le stade du 28 septembre pour un meeting. Nuance.

Pour le Cndd l'occasion est offerte d'imposer définitivement sa politique de terreur. L'ordre est donné de stopper la manifestation. Le commandant Tiégboro tente de le faire, au négoce, et échoue. L'ordre est, alors, donné de la réprimer de la manière la plus sanglante sous l'autorité de l'aide camp du capitaine Dadis Camara, le lieutenant Toumba Diakité.

En pleine après-midi, la terreur s'abat sur les manifestants. Tueries et viols de femmes s'accomplissent – sereinement - dans un stade, expressément fermé à cet effet. Des femmes sont enlevées pour être violées, à répétition et à la semaine. Elles sont plus tard abandonnés nues à des coins de rues. Selon leurs témoignages recueillis plus tard par la commission d'enquête des Nations-Unies. Le choc ébranle, et les populations guinéennes et la communauté internationale. Les photos et films vidéo des incidents macabres et indécents circulent. L'onde de choc des atrocités suscitent le cri de cœur de la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, qui déclare : « Ces gens n'ont pas le droit d'être au pouvoir en Guinée ».

Les condamnations et sanctions individuelles et collectives tombent sur la junte et son gouvernement venant de la Cedeao, de l'Union africaine, de l'Union européenne, des États-Unis. Il est interdit de leur vendre armes et moyens de répression, les avoirs sont gelés et les voyages interdits à certains membres du gouvernement et du Cndd. Ainsi la junte n'est pas en position de refuser une commission d'enquête internationale sous l'égide des nations-Unies. Human Rights Watch mène parallèlement ses investigations.

La désillusion-Novembre 2009 - La Cedeao mandate, Le président du Burkina Faso pour jouer au médiateur entre la junte militaire et les Forces vives. L'émissaire ne fait pas l'unanimité. L'homme a accédé au pouvoir par un coup d'État militaire aussi, avec le regretté Thomas Sankara (4 aout 1983- 15 octobre 1987), qu'il remplace à la faveur d'un autre coup d'État sanglant.

En définitive, le président du Burkina Faso a fait ce qu'il sait faire le mieux : faire accepter le partage du pouvoir par les parties en présence sur la base des rapports de force, et surtout de la capacité de force de frappe immédiate. Les Forces vives guinéennes rejettent ces propositions sous forme de renégociations. Les leadeurs guinéens attestent que leurs revendications n'ont pas été prises en compte. On traine là-dessus. Plusieurs leadeurs de partis politiques se trouvent en situation de semi-exilés

Le flagrant délit du 03 décembre 2009 – À Conakry les évènements se bousculent. Déjà indexé par plusieurs témoins oculaires, comme responsable des tueries du 28 septembre 2009, le capitaine Moussa Dadis Camara demande à son Aide de camp, le Lieutenant Toumba Diakité, de répondre aux convocations de la Commission internationale d'enquête. Ce dernier se voit dans la position du bouc émissaire que le chef veut sacrifier sur l'autel de sa propre survie. Il se retranche au camp de prisonniers de Koundara, un isthme attenant à l'emplacement de la radiotélévision guinéenne (Rtg), dans le quartier Boulbinet. C'est à la pointe de la capitale guinéenne, Conakry. L'Aide de camp libère les prisonniers militaires incarcérés par le Cndd pour se constituer une escouade défensive. C'est là que le destin du Capitaine Dadis, acculé, se joua et se détermina.

En effet lorsqu'il s'y rendit, le 03 décembre 2009, pour une raison ou une autre, son Aide de camp n'hésite pas à lui tirer des balles dans la tête. « Voici le moment de ma revanche … » aurait-il dit en lui tirant dessus. Qui vit par l'épée… La gâchette est frivole. Le chef de la junte est transporté d'urgence au Maroc sans autre formes de procès.

Les jours qui suivent la recherche de Toumba fait la « Une » dans les journaux et dans les priorités du Cndd. Une prime est offerte pour sa capture. Bizarrement, sur la presqu'ile de Conakry, nul ne réussit à lui mettre la main dessus. Les militaires aguerris, capables de terroriser une population entière désarmée, d'étrangler un État et de défier la communauté internationale sont incapables de le mettre aux arrêts. On se questionne sur les capacités organisationnelles de cette armée. C'est à ce moment qu'il apparait que contrairement à ce qu'on a voulu faire croire, le Cndd n'avait pas un souffle en commun. Il y a flagrant de mésentente.

L'Aide de camp, il va sans dire, bénéficie de complicité et d'intelligence. Il va jusqu'à accorder une interview à la radio internationale, Rfi, pour révéler que le capitaine Dadis, alors chef de la junte, lui avait donné l'ordre d'agir le 28 septembre 2009. Des leadeurs politiques guinéens, victimes des outrances militaires au Stade du 28 septembre, lui offrent des circonstances atténuantes. Ils témoignent qu'il leur a sauvé la vie en les extirpant des lieux contre ses propres troupes. Un véritable exploit, il le faut le reconnaitre! Le personnage de Toumba est intéressant et captivant mais aussi troublant. Pas seulement parce qu'il court toujours mais parce que c'est un pion. Mais un pion qui réagit quand on le joue à perte. Quel va être son sort ? Les évènements l'éclipsent un moment.

Au cours de la période qui va suivre, le ministre des Affaires étrangère de la Guinée anime toutes les scènes. Mr. Alexandre Cécé Loua se confond entre déclarations approximatives et déclarations rassurantes sur la santé du capitaine Moussa Dadis Camara. Il n'en demeure pas moins que l'on apprend que le chef de la junte est dans l'incapacité de s'occuper des affaires publiques d'un pays. Entre en scène, le Général Sékouba Konaté, surnommé sur les champs de bataille de la guerre civile au Libéria, Le Tigre (El Tigre).

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